
Les pensées parasites , ce sont le résultat de ces connexions qui se font dans mes synapses le long de la journée, et qui prennent la forme de mots, d'images éparpillés.Une sorte en somme de gros bordel cérébral. Dans mon journal intime, ça prenait la forme notamment du mot "putain" lâché sur dix pages ou d'une série de métaphores liées entre elles, intelligibles par mon inconscient. A vrai dire, en me relisant parfois, j'éclatais de rire en levant mon sourcil droit.
C'est fou ce besoin de verbaliser, tellement les pensées parasites me bouffent certains soirs, même quand il m'est impossible d'en faire quelque chose de tangible et de construit. Je ne pense pas être seule dans ce cas, loin de là, nous connaissons chacun ce flot intempestif qui parfois règne avec violence et "prise de tête" sur notre cerveau.
Il peut s'agir autant de pensées liées à moi qu'aux autres, à mon environnement qu'au reste du monde, étant une lectrice assidue de l'actualité et ayant toujours un oeil connecté sur la fenêtre internet. Par exemple, depuis trois ou quatre jours, je suis harcelée par ces images que j'ai vues à la télévision, au sujet de ces sans-papiers vietnamiens qui ont été retrouvés dans un sous-sol à Moscou, au coeur une manufacture clandestine. Si vous voulez, depuis quelques années, certains entrepreneurs véreux russes font venir de pauvres bougres d'Asie en leur promettant un travail et une carte de séjour en échange d'un travail payé une misère. Ces gens débarquent après avoir dépensé toutes leurs économies dans le billet d'aller et se retrouvent embarqués en pays étranger par des gens de la mafia qui les exploitent dans des sous-terrains puants où, vivant les uns sur les autres, ils ne verront plus la lumière du jour.
Dans ce reportage, la police venait de soulever le lièvre et renvoyait une centaine de personnes à la frontière, qui à en juger leurs joues pâles et creusées, leurs yeux exorbités, et le cri ahuri des enfants, ne savaient pas s'ils devaient pleurer ou se réjouir d'un tel bannissement tant leur vie jusqu'ici avait été si pleine de merditude. Sur la fin du reportage, le journaliste, avec un ton placide, rappelait combien les conditions de vie dans ces bordels d'esclaves sont à vomir et suite à cela, nous montrait les images vieillies de six mois d'un incendie qui s'était déclaré dans une autre manufacture à Moscou. L'image phare était horrifiante. Un humain en feu sortait du bâtiment en flammes qui allait sous peu s'écraser. Il agitait ses bras, hurlait, courait dans tous les sens....tandis qu'un homme, dans la rue, immobile, le filmait avec son i-phone. J'ai pu observer avec stupéfaction qu'aucune remarque n'avait été faite sur le comportement complètement inhumain de ce drôle d'observateur. Toute la perversité de cette situation, la fureur de ces images, la compassion que m'inspire ces gens, viennent en moi comme des vagues amères qui me font suffoquer. Que faire, sinon parler?
Le soir, quand je m'allonge dans mon lit, toutes ces pensées parasites m'arrivent d'autant plus fort à la gueule. Elles se lient bizarrement les unes aux autres provoquant chez moi juste un sentiment d'angoisse profond, parce que, dans toute cette multitude je ne parviens pas à trouver une cause et des raisons à tout ça et malgré les verbes qui s'enchaînent, tout ce qu'il reste concrètement, c'est un sentiment d'effroi, de fragilité et d'impuissance. Oui, le mot "putain" résume tout.
Pourtant ici, je me vois mal, par respect pour cet auditeur virtuel, me permettre de tout lâcher et raconter sans discernement comme si je n'étais qu'une diarrhée verbale qui met à la machine à laver ses idées du moment. Je veux contrôler ces vagues pour qu'elles ne noient plus l'auditeur, et qu'il puisse, de loin sur la plage les observer sereinement, parce qu'au fond, c'est ainsi que le partage des idées et des émotions peut vraiment se faire. Ce n'est vraiment pas facile.
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Vous voyez cette jeune femme sur la plage qui fait la tronche ? Se tient penchée, dont les sourcils forment un triangle à l'envers et qui dit d'un ton acerbe à son homme "Mais tu vas arrêter de mater les autres meufs waiis ? Non mais arrête ! Tu ne m'aimes pas ! Si je te dis que tu ne m'aimes pas ! "; Cela pourrait être moi. Celle qu'on pourrait retrouver dans l'émission -Tellement vrai- avec pour intitulé " J'ai des problèmes de confiance en moi" et que l'on voit fouiller chaque minute le portable de son mec pendant que la voix off déclare "Malgré le sentiment d'impuissance de Jean Luc, Josiane sa compagne depuis deux ans, ne parvient pas à contrôler sa jalousie. Celui-ci décide de quitter la maison excédé, leur couple est en péril. Josiane parviendra-t-elle à faire faire confiance à Jean Luc et relancer leur amour ?"- Cela pourrait être moi. Et cette nana-là qui se métamorphose en Willow version sorcière vénère de Buffy contre les Vampires , quand elle a le malheur de tomber sur les affaires d'une ex à son mec? Cela pourrait être moi.
Ce n'est facile à avouer tout ça, encore moins à comprendre. Je n'ai pas envie de dresser un portrait de ma gueule histoire de me justifier, mais il ne me semble pas être rongée par l'envie et la vanité au point que je ne puisse supporter que mon homme regarde d'autres filles ou en ait aimé. Je ne pense pas être ce genre de filles. Sans avoir un égo que je piétine avec des docks tous les jours, je ne le mets pas non plus au centre de toutes mes pensées même si ici, au sein d'un blog, je parais me mentir. J'admire les belles femmes, je me contre-fous des allumeuses, je ne ressens aucune gêne, aucun mépris, aucune crainte vis à vis d'elles, parce qu'il me semble qu'utiliser mon énergie à me comparer aux autres est cent fois vain et que celle-ci mérite de bien meilleurs catalyseurs. Je dirais même que j'ai une affection sans bornes pour le genre humain et qu'il me plait sincèrement de comprendre chacun de ses représentants sans distinction de sexe, d'âge ou de nationalité. Ainsi, même la gotho-pouffe de base par exemple inspire mon respect et ma curiosité. Quel que soit le passé d'une personne, les épreuves qu'elle traverse, ses conceptions du monde, je tâche toujours de me montrer tolérante et avant de crier haro sur celle-ci, si je le pense à un moment nécessaire, ce sera toujours après une longue et réfléchie méditation.
Tout chez moi alors me fait horreur. Au regard de ces Icônes, je ne suis plus qu'une mortelle, et face à la grandeur que mon imagination leur prête, ma disgracieuse petitesse me rend fourmis contre araignées. Sous l'influence de ce manque de confiance en moi et de ce "délire, je deviens maladroite, timide, gênée, les mots me manquent si bien que j'en invente et à mon comportement qui suscite l'étonnement ou l'agacement je réponds des épopées personnelles décousues, des argumentations branlantes et finis par pleurer. Et plus les épopées sont longues, plus les argumentations tombent et plus il y a de larmes, plus un fossé d'incompréhension se creuse entre un lui et un moi. Lui, excédé, désespéré, commence à se demander si c'est de sa faute, ou si j'ai un problème et, plus je me rends compte que le fossé se creuse, la pelle à ma main, plus j'ai le sentiment de le perdre et plus je rapetisse, rapetisse misérablement. Mon visage qui avant était un simple visage en temps normal prend des allures de grosse poire flasque, et tout mon corps ne peut respirer aux côtés de mon homme sans avoir l'impression qu'il gonfle de sueur et de peur. Ce n'est pas moi. Ce n'est moi cette personne étrange et volubile que l'inquiétude couvre d'ombres, c'est une autre, mais qui l'a fait naître?
C'est comme si un monstre se glissait dans mon lit et manipulait mes pensées parasites pour qu'elles deviennent une à une mes pires cauchemars. Je me sens comme ces fous dans les rues de New York, clepsydre à la main, qui a force d'avoir pris du LSD et d'avoir lu des articles d'Illuminatis se prennent à gueuler la fin du monde, totalement convaincus et convaincants. Quel drôle de délire, quel serpent sinueux ! A-t-il un nom ?
Peut-être, tout ça viendrait de mon hypersensibilité juvénile. Je le constate sur les autres blogs par ailleurs, toutes les nanas qui se la jouent Phèdre ou Sarah Bernhard sont souvent celles qui mettent métaphoriquement toujours trop de chantilly pour la glace, c'est à dire qu'un rien les rend gagas. C'est quelque chose cependant qu'elles et moi ne contrôlons pas. Ainsi c'est vrai par exemple, qu'en période de menstruation, je ne suis plus qu'un lot de mouchoirs utilisés: Les pubs whiskas chaton me font pleurer, je hais regarder des dessins animés parce que ça me rappelle mon enfance et suis dévorée de nostalgie, si je fais tomber une tasse au sol et qu'elle se brise, cela devient comme si j'avais volontairement cassé le bras à une grand mère etc.
Me reviennent en mémoire ces écrits d'un 17ème siècle brillant où les hommes se plaignaient de cette hystérie que l'on rencontre chez certaines femmes. Elles étaient dîtes sauvages, indomptables et médiocres parce qu'elles n'avaient pas réussi à maîtriser leur esprit et leur âme comme les animaux. Mais ce n'est pas tout, toute hypersensibilité même masculine était alors condamnée parce qu'ils avaient conscience à l'époque que le règne des sentiments sur soi pouvait vite tourner en une dictature intérieure, puis dictature pour les autres.
S'il y a bien quelque chose qui me fait sentir plus proche du siècle de la Raison que celui des Romantiques c'est justement ce principe. Je ne considère pas que louer ses afflictions et construire des autels à ses tourments soient une conduite saine qui puisse nous aider à affronter la vie. Au contraire, cette hypersensibilité qui me caractérise est la raison pour laquelle tout les choses du monde m'apparaissent brouillées, susceptibles d'être interprétées à tort à et à travers, et cela m'aveugle plus qu'autre chose.
Ainsi, si je dois combattre cette "jalousie", il faudrait d'abord que j'en découpe les racines, c'est à dire apprendre à maîtriser ce surplus de pulsions pour qu'elles ne poussent plus comme une jungle mais un jardin à mon goût. Les auteurs du 17ème siècle invitaient les lecteurs au recul et à la pondération. Il ne fallait pas plonger le nez en avant dans ses humeurs mais se mettre à l'écart de celles-ci afin de les voir bien en face, et choisir ou non de les étouffer. Je crois que si des hommes et des femmes sont parvenus à ce travail sur-soi, je peux y arriver moi aussi.
Mais cette jalousie n'est peut être dûe qu'à moi. Je trouve les hommes parfois rudes, maladroits et étrangers. On est là, avec toute cette hypersensibilité qui nous ronge et nourrit nos craintes et désespoirs, essayant de faire comprendre à l'autre les tenants et aboutissants de ce délire, parlant trop et mal, pendant qu'eux, écoutent dans un silence égaré. Ils n'osent pas dire que cette attitude les ennuie, les affole, les font reculer, mais toute leur attitude respire la fuite, notamment parce qu'ils s'y enferment. Avec un sérieux de plombier, ils cherchent quel tuyau a percé parmi les phrases qu'on balance, et c'est toujours dans l'abstrait qu'ils réfléchissent à comment le colmater. Ils ne sentent pas par empathie ce mal qui sévit, mais se dresse contre lui par un rapport de force cérébral. Ils ont beau alors tenter d'expliquer pourquoi nos raisonnements sont des délires, cela ne fait que renforcer le sentiment d'incompréhension car, premièrement, nous savons déjà intérieurement quelle est la valeur de notre débit, son degré de folie et montrant ainsi qu'ils le savent, cela ne fait que renvoyer une image négative à nous même. On sait qu'il sait que le monstre est là, et ça donne des villageois croquants en pâture à ce monstre.
Ensuite, parmi leurs explications, il y a ces confessions qui font mal et ces interprétations que l'on sait instrumentalisées. Dans le premier cas, il nous avoue par exemple avoir bien regardé "cette fille", même si cela n'avait aucune importance. Au fond, nous en avions juste le doute et la crainte, tout en y croyant qu'à moitié, et réalisons enfin à présent que nous avions senti juste. Ainsi, le coeur de son homme apparaît comme un gisement minier que l'on devrait creuser jusqu'aux tréfonds afin d'être certaine qu'il ne s'y cache pas quelque enfer. De l'autre, l'homme réalise que ces confessions font mal et mettent en exergue des situations et des pensées où nous avons été le centre de son attention et de son désir. Nous savons cette pensée forcée, désespérée et coupable. Cette prise des choses en main ne fait que dresser contre nous un miroir où l'enfant capricieuse a tapé du pied trop fort pour un jouet qu'elle ne voulait même pas. Dans les deux cas, l'affliction qui n'était qu'imaginaire et volubile devient concrète et sourde.
Enfin, le délire qui n'était qu'à l'intérieur de nous s'écoule dans la relation et fait naître des deux côtés une sorte de suspicion affreuse et étouffante. Je ne dirais pas que j'ai des conseils à donner sur le comportement à avoir mais il me semble que tout délire peut être tué par deux choses : l'humour et la compassion. Dans le premier cas, si une fille comme moi un jour se présente à vous, songez toujours que derrière cette façade monstrueuse se cache quelqu'un d'autre qui est elle même, et plutôt que de prendre au sérieux certaines de ses méchantes pulsions, considérez les pour ce qu'elles sont. N'essayez pas de prouver comme un avocat qu'elle a tort ou raison, les avocats mentent toujours un peu pour fabriquer des thèses, mais réagissez promptement et spontanément à ses propos. En fait, quand ce propos est too much, il est ridicule, il est grotesque, et plutôt que d'en avoir peur, riez en ! Soyez Molière se moquant d'un avare, Rabelais pointant du doigt la pédanterie ! Si ce qu'elle dit n'a aucun fondement, pourquoi réagir autrement ? Ne riez vous pas devant l'absurde ? -Le rire fait tellement de bien.-
D'une autre façon, adoptez l'attitude de la compassion. Compassion veut dire étymologiquement "se mettre à la place de l'autre." Vous voyez qu'elle a des doutes, des craintes et que cela a tendance à la rendre folle, alors plutôt que de les prendre à pleine dents, poussez les d'un revers de la main en n'admettant jamais qu'ils puissent prendre coeur dans la réalité, quitte à mentir. Vous savez, c'est un problème philosophique le mensonge ! Toutes les choses ne sont pas bonnes à dire. Je sais que parfois ça soulage, et que cela semble plus facile de dire les choses crûment que d'en façonner un fantasme, mais comprenez que l'amour s'en nourrit pour un être sensible. Pensez avec l'âme et le coeur, et comme le prêtre, avec cette foi en l'autre, rassurez votre mouton malade en lui promettant le paradis et l'Absolu. Ne sous estimez pas le mouton qui prendrait tout au pied de la lettre et chercherait en vous indéfectiblement pour toujours la perfection, il n'est pas con, mais il a besoin de ça à cet instant pour affronter l'angoisse. Ainsi, n'avouez jamais que vous avez regardé une autre femme, que vous avez jadis ressenti plus de jouissance, que vous avez adoré le porno parce que, pour certaines personnes qui n'ont pas encore réglé leurs problèmes d'estime et de contrôle sur soi, ces paroles ont la puissance de bombes nucléaires.
De même, vous le savez aussi bien que moi, homme et femme n'ont pas été éduqués de la même façon, il n'y a pas besoin d'avoir lu Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus pour le savoir. Nous avons été bercé par tout plein de schémas romantiques pendant que vous jouiez aux soldats et nos attentes par conséquent se sont parfois heurtées plus durement à la réalité.
Idéalement bien sûr, je crois que nous avons toutes rêvé à l'adolescence que les contes de notre enfance aient quelque réalité. Ah cette salope de Blanche Neige, cette casse couille d'Aurore ou cette Bitch de Cendrillon, qu'est-ce qu'elles nous ont vendu du rêve ! Elles étaient là, ils se passaient rien dans leur vie, elles végétaient comme la marmotte durant l'hiver et soudain, parce qu'une vilaine méchante leur faisait un peu bobo, THE mec débarquait pour les sortir de là et les aimer pour toujours, sans la moindre tâche, engueulade ou crises de nerfs.
Avec du recul, vous êtes comme moi, et pensez réalistement : "Mais quelles empotées ces nunuches !" On sent qu'elles n'ont pas le stress des examens qui leur fait finir le chorizo à trois heures du matin ou fumer trois paquets de cigarette pour supporter le quotidien ! Elles n'avaient donc pas de problème de cellulite ou de dents jaunes ! Que faisaient elles de leur journée à part chanter, danser et se pomponner ? Même Cendrillon faut arrêter, faire le linge et laver le sol ça ne fait pas de toi une pauvre petite chose, ou bien je vous invite à venir chez moi. Mais je m'égare.
Bien sûr, il n'était jamais question d'aucune ex reloue, et comme c'étaient les plus belles du Royaume qu'avaient-elles à craindre des autres filles ? Toutes des gueuses en haillon, des vielles débonnaires ou pire des jalouses ! Tandis que nous, dans cette réalité, tu parles Charles d'un cadeau ! Le monde est rempli de princesses, et même pas connes parfois, alors t'as beau avoir un petit pied comme Cendrillon, tu te demandes si ton mec lui ne va pas trouver d'autres chaussures à son pied. Mais ça, c'est un comportement normal, qui ne dépasse pas les bornes. On a toutes de petites crises, et de moments d'incertitude. On a toutes ce regard qui porte vers les autres femmes histoire de se jauger soi-même et penser parfois qu'on est plutôt bonne, tantôt qu'on est un laideron, et cela influence notre comportement vis à vis des hommes par instants sans que ça ait de longue conséquence. Puis on a toutes des princesses qui rôdent autour de lui, comme des vautours, et soit nos hormones en font un drame, soit on prend ça avec le sourire. Ici je suis sure d'avoir un auditoire qui me comprenne.
Cependant, certes, pour en revenir aux contes, quand je ne suis pas amoureuse, je suis affranchie de leur message de perfection et de leurs schémas archaïsants. Je trouve par moi même et objectivement que la réalité plus complexe, plus imparfaite est donc plus puissante. J'aime le tumulte, le vécu, les cassures, toutes comme les victoires qui en sont nées. Etre avec un homme dont le coeur a été un peu usé, ce n'est pas rencontrer un être avec moins d'amour à donner, mais avec plus d'amour qui sera consciemment donné.
Notre première fois par exemple, du moins à mes yeux, n'a été finalement qu'une projection de désirs, plutôt que des désirs propres et au fond, tout le temps passé avec l'autre a été davantage consacré à apprendre plutôt qu'à savourer. Quand l'autre a eu des expériences, des échecs, des victoires, il n'est plus avec toi comme avec une terra incognita où il implanterait ses rêves et son imagination, car il a appris qu'en face existait un individu et que pour réussir une relation il fallait en tenir compte, ne pas tout lui demander, et parvenir à un équilibre. Tout cela ne s'invente pas, ce n'a été que de la pratique, fort utile et nécessaire pour qu'un jour on puisse rencontrer une personne et fonder quelque chose de solide. Les exs ne sont donc pas des succubes bien sûr, mais des personnes avec qui ton homme a fait des erreurs qu'il tâchera de ne pas reproduire sur toi, ce que tu as fait aussi dans ton parcours semé d'embûches, de surfeurs et de crétins. Il n'y a aucune crainte à avoir si tu sais que ta relation présente vaut le coup, parce que le passé est mort, et aucun spectre n'a jamais tué personne, quoi qu'en dise l'animateur de l'émission Ghost Adventure. (A regarder, c'est merveilleux)

Même si tout ce que ton adolescence t'a donné ce sont des rêves idéalistes, tu ne dois pas les confondre avec une utopie. Car, si l'Idéalisme permet de voir les choses avec optimisme, et contribue à donner en l'homme la force incroyable de déplacer les montagnes, l'Utopisme, est une course effrénée vers le vide.
Pour en revenir aux contes, qui pour ma part se sont ajoutés aux romans, aux films, et à une cosmogonie personnelle, j'ai fantasmé le monde en m'aveuglant sur sa réalité , préférant pendant trop longtemps les récits, le romanesque, la poésie, à ce qu'il se passait vraiment chez moi. Rousseau, sans me comparer à lui, parlait d'ailleurs de "certaines émotions confuses" qui l'avaient à l'âge adulte complètement bouleversé. Il avait été adolescent un grand lecteur de romans d'amour et d'utopies, et lorsqu'il a débarqué dans la vie réelle, il ne pouvait s'empêcher de projeter encore, malgré des tentatives de lucidité et d'équilibre, tout ce que ces romans avaient nourri en lui de fantasmes et d'aventure. Excessif, ultra-sensible, la moindre vexation tournait en lui comme un désespoir, et le moindre chagrin en tragédie. Ainsi, tout son lyrisme maladif et parfois si triste, n'est pas à proprement le résultat d'une émotion, mais d'émotions fantasmées qui ne pouvant voir le grand jour, s'étalaient dans ses nuits d'écriture.
Disons oui, d'un côté il y a eu les rêves, cette substance lointaine et niaise, de l'autre la réalité présente et puissante; Les rêves étant trop grands pour un monde si bas , il faut un jour s'adapter à la réalité et parvenir à la transcender par les rêves sans crever le plafond. Encore une fois messieurs du 17ème siècle, je vous donne raison !
Puisque la désillusion rend laid et rend fou, puisque son propos est vain et faux, il faut choisir de changer car on a trop peu de temps pour nous sur terre, c'est aux vers de nous ronger. Ainsi, me semble-t-il, ce qui me fait de moi un monstre, et qui en fait d'autres, c'est ce mauvais rapport à la réalité par une surabondance de rêves naïfs créateurs d'hypersensibilité qui ne veulent pas encore partir. Et les hommes, nos chers compagnons chéris ne nous y aident pas ! Si ça rend la moindre parole, le moindre moment plus beau qu'une hyperbole, ça dénature aussi l'imperfection en horreur, la normalité en défaut. Comme si, en partant, ils allaient rendre la réalité trop complexe à comprendre, trop mouvante pour s'y appuyer et, dans le cadre d'une relation où l'on s'investit et où les émotions sont vibrantes, observer la réalité crûment serait comme être un nid d'électrons dans un siphon. C'est dans cette impression de désillusion qu'est l'illusion, parce qu'on ne regarde pas les choses pour ce qu'elles sont mais ce que notre coeur d'enfant idiot et hagard voudrait voir. Or, s'il y a de la beauté, de la vertu dans le regard d'un enfant, il y a aussi tellement d'ignorance et d'idiotie, de schémas simples et de pensées capricieuses.
Si je veux donc apprendre à aimer, il me faut quitter l'enfant qui tape du pied parce qu'il n'a pas le scénario qu'il désire et que sous le sapin, les jouets ne ressemblent pas à l'image du magasine. Ce que je dis, ce n'est pas triste attention ! Me relisant j'ai l'impression que mon texte fait dépressif, mais pas du tout ! J'ignore juste ce qu'est vivre une histoire sans lui projeter à la figure tout le sublime de mes rêves et l'horrible de mes cauchemars, effervescence de mes émotions, mais suppose au contraire d'un ressenti fade et terne, que ce que je pourrais vivre sans cette infernale machine, doit être mille fois plus fort, dix mille fois moins chaotique, cent mille fois plus humain, un million de fois plus extraordinaire. Au fond, ce qu'il faut, ce n'est pas geindre et se sentir victime, mais agir et devenir un individu avec force et faiblesse, rêves et lucidité.
Je vous remercie de votre écoute, je ne sais pas pour vous, mais d'avoir parlé m'a permis de comprendre certaines choses. (Je te salue Rousseau, même si je sais pas chialer aussi bien que toi, je crois que je te comprends un peu )
A ce sujet, je vais juste conclure avec une petite pensée pour l'ex de mon homme qui jusqu'ici m'a rendu complètement tarée. Je l'appelais grosse pute, et ne voulait pas accepter qu'elle puisse être perdue dans sa vie, avoir quelque aspect sympathique à mes yeux et ne voulait pas la comprendre, la légitimer, mais là je parle dans le vide car je ne veux pas livrer en détails ma vie privée. Vis à vis de moi-même, j'aimerais juste publier cette chanson qui me fait penser à elle, me réconcilier avec son fantôme et avec moi même.
(Après tout, puisque j'aurais pu passer dans TELLEMENT VRAI, je peux continuer dans mon rôle et me la jouer aussi impudique et cas sociale.)
A la revoyure mes Loulous.
emelina1, Posté le mercredi 03 juin 2015 05:04
c'est pourtant l'impression que j'ai :'(